Réseau RELAB : Surveillance des trois virus respiratoires pour contrer les épidémies
Interview du Dr Vincent Vieillefond sur le Réseau RELAB et la surveillance des virus respiratoires pour contrer les épidémies.
Dr Vincent Vieillefond, biologiste médical et coordinateur RELAB pour Biogroup
1. Dr Vieillefond, qu’est-ce que RELAB ?
RELAB révolutionne la surveillance des 3 principaux virus respiratoires en France : le Sars-Cov-2, le virus influenza responsable de la grippe, et le VRS , responsable, entre autres, de la bronchiolite. RELAB est le résultat d’un partenariat public-privé unique et inédit entre les laboratoires de biologie médicale Biogroup et Cerballiance, et les Centres Nationaux de Références (CNR) des Virus respiratoires de l’Institut Pasteur et des Hospices Civils de Lyon. RELAB est le seul réseau permettant un suivi en temps réel de la circulation communautaire de ces virus ainsi que l’envoi d’échantillons le tout accompagné de données cliniques. C’est une mine d’or pour surveiller les virus en temps réel !
2. Comment est née l’initiative RELAB ?
La crise du Covid a catalysé une coopération public-privé sans précédent, née de l’urgence de combattre la pandémie. Afin de suivre la diffusion du Sars-Cov-2 (Covid-19) les autorités sanitaires ont déployé un système de remontées des données des test COVID, les fameux tests PCR. Avec ce système appelé SIDEP, c’était la première fois que les laboratoires de ville, assurant un maillage territorial complet, étaient sollicités et mobilisés pour cocréer un dispositif de surveillance d’un agent infectieux. Très rapidement, les équipes des laboratoires Biogroup se sont énormément investies, les laboratoires publics tels que ceux du CNR ont compris le rôle que nous pouvions jouer à l’avenir à leur côté. C’est donc très naturellement que nous avons voulu allier nos forces complémentaires
3. Comment cela s’est-il passé concrètement ?
Choix des virus à surveiller
RELAB est avant tout l’initiative de quelques personnes dévouées à la santé publique, comme le Professeur Bruno Lina qui dirige le CNR des Hospices Civils de Lyon, Antonin Bal, qui travaille à ses côtés mais également Vincent Enouf, de l’Institut Pasteur. Biogroup a travaillé main dans la main avec ces trois virologues passionnés ainsi que leurs équipes, pour imaginer ce que serait RELAB. Nous avons décidé que la surveillance s’étendrait à trois virus et non un seul. Le choix s’est immédiatement porté sur le Sars-Cov2, le virus de la grippe et le VR, qui sont les virus respiratoires ayant les plus gros impacts sur le système de santé et pour lesquels nous avons des moyens d’agir.
Amélioration du diagnostic
C’était aussi l’occasion d’améliorer les diagnostics : les symptômes étant proches, il ne faut pas se restreindre à la recherche d’un seul virus. Il nous a également semblé indispensable d’obtenir des renseignements simples sur l’état clinique et la notion de vaccination, en posant des questions simples à nos patients, lors du prélèvement. Toutes ces informations sont bien sûr recueillies avec le consentement du patient puis sont anonymisées.
Transmission et analyses des données
Enfin, la mise en place d’un transfert régulier d’échantillons positifs aux laboratoires experts que sont les CNR est apparu comme un moyen inespéré de connaître en temps réel les caractéristiques des virus en circulation. La phase de réflexion a démarré fin 2022, la structuration du réseau a été très efficace et les premiers patients ont pu être inclus 9 mois plus tard en octobre 2023 : RELAB était né.
4. En quoi RELAB est-elle une initiative unique ?
Une surveillance en temps réel
RELAB offre une surveillance nationale, en temps réel et en continu. Le maillage territorial de nos laboratoires permet que chaque région soit représentée. La dimension « temps réel » est précieuse pour la gestion des épidémies. En fournissant des données et des échantillons de façon hebdomadaire, RELAB informe les autorités sanitaires, aide à adapter les comportements de la population et permet d’anticiper les pics d’engorgement des services d’urgences.
Une surveillance en continu
Enfin, cette surveillance est continue, les virus ne prennent pas de vacances, RELAB non plus ! Pour la première fois la surveillance ne s’arrête pas en dehors des périodes épidémiques et permet de suivre les virus, sans relâche, toute l’année, ce qui est particulièrement intéressant à l’approche d’évènements comme les Jeux Olympiques de Paris.
5. Avez-vous des exemples de découvertes faites grâce à RELAB ?
Depuis son lancement en octobre 2023, le projet RELAB a permis de collecter plus de 500 000 résultats de PCR anonymisés avec les données cliniques associées et a permis l’expertise virologique de plus de 4000 échantillons par les CNR (séquençage, caractérisation antigénique…). C’est un excellent résultat pour cette première saison et les enseignements sont déjà très riches. En voici quelques exemples.
Une aide à la composition du vaccin contre la grippe
Nos échantillons ont permis de montrer dès le mois d’octobre, que les souches de grippes qui circulaient étaient très proches de celles contenues dans le vaccin, ce qui laissait espérer une bonne efficacité de celui-ci. Cela a été confirmé avec nos données : lors la saison hivernale 23-24, le taux global de positivité pour la grippe était deux fois plus faible chez les vaccinés que chez les non-vaccinés. Pour la composition du vaccin grippe de l’année prochaine, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) va intégrer les renseignements fournis par RELAB.
La découverte de variants Sars-Cov-2
Nous avons également montré que, parmi les patients sans symptômes, 18% d’entre eux étaient positifs pour au moins un des 3 virus. Parmi les patients symptomatiques, ce taux grimpait à 33%. RELAB a en outre permis de suivre, en temps réel, l’apparition d’un nouveau variant du Sars-Cov-2 : en décembre 23, un variant nommé EG5 est apparu. Nous avons immédiatement pu montrer que ce variant ne donnait pas plus de symptômes et n’était pas plus contagieux que le précédent : cela s’est confirmé plus tard par l’absence de montée de la pression hospitalière.
Un suivi épidémiologique précis
Enfin, RELAB a permis pour la première fois de suivre la dynamique des 3 virus dans toutes les régions de France et pour chaque classe d’âge. Ainsi, nous avons observé que les premiers cas de grippe sont apparus en octobre chez les 0-5 ans; que les 6-18 et les 19-64 ans étaient les tranches d’âges où le taux de positivité de la grippe et du SARS-Cov-2 était le plus élevé. Chez les >65 ans, le Sars Cov-2 représentait près de 80% des infections.
6. Comment envisagez-vous l’avenir de RELAB ?
Nous souhaitons pérenniser et étendre le réseau RELAB car c’est un outil fantastique qui doit servir à tous. Notre objectif est d’ancrer cette collaboration et d’élargir le réseau de laboratoires impliqués. A ce jour, RELAB fonctionne sur la bonne volonté de ses membres car aucun financement n’a été demandé pour cette première année. Les données de RELAB sont diffusées par le CNR dans un bulletin hebdomadaire, nous souhaitons rendre ces données accessibles au grand public et aux professionnels de santé via un site internet, permettant ainsi au plus grand nombre de mieux s’informer et s’adapter, dans ses comportements, aux épidémies de virus respiratoires.