Paludisme : définition, transmission, symptômes, diagnostic, traitement et prévention (vaccin contre le paludisme)

Le paludisme, également appelé malaria dans les pays anglophones, est une maladie parasitaire transmise par la piqûre d’une espèce de moustiques porteuse du parasite. En 2023, 263 millions de cas et 597 000 décès ont été enregistrés dans 83 pays endémiques de zones tropicales/subtropicales (Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est, Amérique centrale et du sud) soit une augmentation de 11 millions par rapport à 2022. L’Afrique subsaharienne concentre à elle seule 94% des cas et 95% des décès dus au paludisme. Les enfants y sont particulièrement touchés avec 432000 décès enregistrés 2023 (rapport de l’OMS 2024)
Cette pathologie est causée par un protozoaire (i.e. un organisme animal unicellulaire doté d’un noyau) du genre Plasmodium, dont l’espèce la plus redoutée est Plasmodium falciparum. Grâce aux avancées médicales, des traitements préventifs et curatifs sont disponibles, offrant une perspective de réduction de la mortalité liée à cette infection. Cet article vous apporte un panorama complet sur la transmission du paludisme, son cycle, ses symptômes, les traitements disponibles et les stratégies de prévention existantes.
I/ Comprendre le paludisme
A/ Une maladie parasitaire à transmission vectorielle
Le paludisme est provoqué par un protozoaire du genre Plasmodium transmis à l’homme lors d’une piqûre de moustique femelle du genre Anopheles (vecteur de la maladie présent en zone d’endémie). Le parasite pénètre alors dans le sang, infecte les cellules hépatiques, puis les globules rouges, qu’il détruit secondairement.
Un portage chronique, notamment hépatique, peut survenir chez les sujets vivant en zone d’endémie et donc exposés au quotidien, ces derniers participent à la persistance du cycle parasitaire (hôtes définitifs du parasite). Les Anopheles se contaminent à l’issue d’un repas sanguin sur les sujets porteurs et, après un cycle de transformation du parasite, vont héberger les formes infestantes du parasite dans leurs glandes salivaires pour devenir hôtes intermédiaires.
Cinq espèces infectent l’Homme : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi.
falciparum et P. knowlesi sont les espèces les plus virulentes. P. falciparum est également l’espèce la plus fréquente, responsable de la majorité des accès, incluant les formes graves et mortelles de la maladie.

Cycle du paludisme, source : CDC (version française)
La transmission vectorielle via la piqûre d’Anopheles est la principale voie de transmission du paludisme, mais d’autres modes de contamination existent, comme les transfusions sanguines ou la transmission in utero de la mère à l’enfant (materno-foetale)
La maladie peut se déclarer quelques jours à quelques semaines après le retour d’une zone impaludée. Il est donc important de consulter rapidement un médecin traitant dès l’apparition de symptômes évocateurs.
B/ Symptômes du paludisme : reconnaître une crise d’accès palustre
L’infection plasmodiale peut se manifester sous diverses formes, pouvant être confondues avec une grippe. Les symptômes sont principalement dus à la destruction des globules rouges par le parasite. Ils se manifestent fréquemment par une fièvre élevée, des frissons, des maux de tête, des douleurs musculaires, une fatigue extrême, des troubles digestifs (nausées, vomissements), voire des convulsions. Dans les cas plus graves à P. falciparum, la maladie peut évoluer en paludisme sévère provoquant notamment des complications neurologiques évoluant vers un coma et une défaillance multi-viscérale, principalement dues à la séquestration des hématies parasitées dans les capillaires.
Il est essentiel de consulter un médecin qui vous prescrira une recherche de paludisme dans un laboratoire de biologie médicale dès l’apparition des symptômes, notamment si vous rentrez d’un séjour en zone à risque.
C/ Paludisme : Comment fait-on le diagnostic au laboratoire ?

Trophozoïtes de P. falciparum dans des hématies (Source : https://www.cdc.gov/dpdx/malaria/index.html)
La recherche de paludisme s’effectue à partir d’un tube de sang total qui sera prélevé lors de votre passage au laboratoire. Ce diagnostic est une urgence et la recherche devra être rendue dans les 4 heures suivant la prise de sang. Il sera communiqué préférentiellement au médecin prescripteur mais il est important que vous restiez joignable pour la communication du résultat par téléphone.
Le laboratoire pourra utiliser plusieurs techniques diagnostiques, seules ou en combinaison pour rechercher le parasite :
- Recherche de l’ADN du parasite par PCR ou équivalent dans le sang
- Recherche des protéines du parasites (antigènes) dans le sang
- Recherche des formes infestantes du parasite (trophozoïtes +/- autres stades) dans les globules rouges par microscopie.
II/ Traitements antipaludéens

A/ Traitements curatifs
Le traitement de l’accès palustre est une urgence médicale. Il dépend de plusieurs facteurs : la sévérité des symptômes, la région d’exposition, l’état de santé du patient et son âge et également le pourcentage d’hématies parasitées calculé par le laboratoire (=parasitémie). Les médicaments antipaludéens sont prescrits selon des protocoles bien définis par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et validés par les sociétés savantes de pathologies infectieuses ainsi que la Haute Autorité de Santé de chaque pays.
Les molécules recommandées actuellement pour le traitement des accès palustres sont les suivantes :
- Les dérivés d’artémisinine : associations arténimol-pipéraquine (EURARTESIM®) et artéméther-luméfantrine (RIAMET®)
- L’association atovaquone –proguanil (MALARONE®)
B/ Prévention individuelle et chimioprophylaxie du paludisme
La situation du paludisme dans chaque pays et les recommandations de prévention en découlant sont détaillées dans les “Recommandations aux voyageurs” paraissant dans le Bulletin épidémiologique (BEH) chaque année.
La prévention individuelle du paludisme repose avant tout sur la protection personnelle contre les moustiques (PPAV), essentiellement basée sur l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides (pyréthrinoïdes). On proposera également l’utilisation de produits répulsifs cutanés homologués (à base de DEET, d’IR3535 ou de picaridine…), le port de vêtements longs et imprégnés de perméthrine, l’utilisation de la climatisation en intérieur.
La chimioprophylaxie (prise préventive d’un médicament antipaludéen) sera évaluée au cas par cas après évaluation du risque de transmission lors du séjour et du profil du voyageur. Par exemple, un séjour en Afrique sub-saharienne présentera 1000 fois plus de risques qu’un séjour en Asie ou en Amérique tropicales. De même, un profil de séjour “conventionnel” (séjour de moins d’un mois, en zone urbaine ou très rares nuitées en zone rurale, zone géographique à transmission modérée) sera moins à risque qu’un séjour “non conventionnel” (long séjour et/ou zone rurale/brousse avec habitation non protégée et/ou zone géographique à transmission élevée et/ou saison des pluies). Il est donc nécessaire avant tout voyage en zone tropicale de consulter un médecin spécialiste qui évaluera le risque en fonction de la zone géographique et des modalités du voyage
et qui dispensera les conseils de prévention ainsi que la chimioprophylaxie antipaludéenne si cette dernière est jugée nécessaire.
En effet, la tolérance de ces traitements peut être difficile, des troubles digestifs (douleurs abdominales, diarrhée, nausées, vomissements) fréquents sont notamment décrits pour la plupart des molécules, des troubles du sommeil et neuropsychiques avec la méfloquine (LARIAM®) ou encore une photosensibilisation avec la doxycycline (DOXYPALU®). Leur indication doit ainsi être pesée en fonction de la balance bénéfice-risque.
Les traitements sont généralement à débuter quelques jours avant le départ et à poursuivre quelques semaines après le retour. Afin de garantir leur efficacité, il est impératif de les prendre à heure fixe, de ne pas oublier une prise et de ne pas les arrêter précocement dès le retour.

Les molécules indiquées en prévention sont les suivantes :
- Atovaquone-proguanil (MALARONE®)
- Doxycycline (DOXYPALU®)
- Méfloquine (LARIAM®)
L’assurance maladie ne rembourse pas les traitements préventifs s’ils sont prescrits dans le cadre d’un séjour touristique. Ils seront donc à charge du voyageur. Leur prix varie selon le produit.
Il faut noter qu’aucun moyen préventif n’assure à lui seul une protection totale. Il est donc nécessaire de respecter au mieux les mesures de PPAV lors du séjour et de repérer rapidement les symptômes de l’infection afin qu’il n’y ait pas de retard à la prise en charge de l’accès palustre.
Par ailleurs, il n’existe pas de protection durable par notre système immunitaire après un contact avec le parasite (absence d’immunité de longue durée). Ainsi, les personnes préalablement exposées telles que les migrants originaires d’Afrique subsaharienne retournant ponctuellement dans leur pays d’origine sont exposés au même titre que les voyageurs n’ayant jamais rencontré le parasite.
III/ Prévention collective : Mesures sanitaires et avenir vaccinal
A/Mesures sanitaires collectives
La lutte antivectorielle à grande échelle constitue, avec la déclaration en temps réel des cas (veille sanitaire), la pierre angulaire de la prévention collective en participant à l’éradication du paludisme dans les pays concernés.
Cette lutte permet d’agir sur 2 facteurs nécessaires à la persistance du cycle parasitaire :
- L’hôte intermédiaire : le moustique vecteur Anopheles
- L’hôte définitif : L’humain (porteur chronique du parasite en zone d’endémie)
L’action sur le vecteur repose tout d’abord sur la lutte mécanique visant les larves (élimination de l’eau stagnante) ou visant les adultes (pièges). L’utilisation répétée d’insecticides à grande échelle n’est pas recommandée au regard de leur toxicité environnementale et sur la santé animale/humaine, et également au regard du risque d’acquisition de résistance des moustiques à ces produits.
Elle repose ensuite sur la prévention de l’impaludation des populations en prévenant les piqûres de moustique grâce à des programmes de distribution à grande échelle de moustiquaires imprégnées d’insecticides et par la sensibilisation des personnes aux mesures de protection individuelle.
L’action sur l’hôte définitif repose sur l’éradication du portage chronique à l’aide de programmes d’administration de masse de médicaments antipaludéens consistant à administrer à toute une population exposée, un schéma thérapeutique complet d’un antipaludéen au même moment et à intervalles répétés, sans dépistage préalable. Ceci a pour principal effet de diminuer le nombre de porteurs entretenant le cycle du parasite.
B/ Vaccin contre le paludisme
Les vaccins RTS,S/AS01 et R21/Matrix-M ont été développés dans le cadre du Programme de mise en œuvre du vaccin antipaludique. Ils ciblent une protéine exprimée par le parasite dans sa forme sporozoïte (stade précoce de l’infection), la protéine CSP. Cette protéine permet au parasite d’envahir les cellules hépatiques en début de cycle. Ces vaccins permettent donc d’induire, au stade précoce de l’infection, une forte réponse du système immunitaire chez l’hôte qui va alors lutter et empêcher l’invasion du foie par le parasite, casser le cycle parasitaire et donc l’infection.
Ces deux vaccins sont actuellement les seuls préqualifiés et recommandés par l’OMS depuis octobre 2023 pour la prévention du paludisme chez les enfants vivant en zones d’endémie à partir de l’âge de 5 mois.

En 2019, le vaccin RTS,S/AS01 a reçu une première autorisation règlementaire d’utilisation et a été administré à plus de 2 millions d’enfants dans les zones pilotes que sont la République du Ghana, la République du Kenya et la République du Malawi. Ce programme a eu un fort impact sur la santé publique : baisse de la mortalité infantile de 13%, baisse du nombre d’hospitalisations dues au paludisme.
Au cours des essais cliniques de phase trois et de ce programme pilote, ces vaccins ont à la fois démontré leur innocuité et leur efficacité en réduisant de plus de moitié le nombre de cas de paludisme au cours de la première année post vaccinale.
Ces vaccins trouvent principalement leur indication pour la prévention du paludisme à P. falciparum chez les enfants à partir de 5 mois vivant dans des régions où la transmission est modérée à forte, telle que définie par l’OMS (administration en 4 doses). Certains pays peuvent également administrer le vaccin en 5 doses de façon saisonnière dans les zones où la transmission présente des pics saisonniers.
D’autres vaccins candidats visant différents stades du parasite sont en cours de développement. La vaccination s’inscrit dans une stratégie globale de lutte contre le paludisme et ne dispense pas des autres mesures de prévention. Son utilisation doit entre autres tenir compte de la prévalence du parasite, de la morbi-mortalité de l’infection et des mesures de lutte déjà déployées dans la zone géographique concernée. Son impact est maximal lorsqu’elle est associée à d’autres stratégies de prévention. En décembre 2024, 17 pays d’Afrique ont introduit le vaccin à l’échelle nationale dans le cadre d’une vaccination systématique des enfants et au moins 30 autres pays africains prévoient de l’introduire. La poursuite du déploiement à grande échelle de ces vaccins permettrait de sauver des milliers d’enfants chaque année.

Conclusion
Le paludisme reste à ce jour la première maladie parasitaire au monde avec plus de 260 millions de cas par an. Si la maladie se manifeste en général par des symptômes pseudo-grippaux, elle peut aussi être à l’origine de graves complications et de décès, notamment pour les accès à Plasmodium falciparum, espèce la plus fréquente et répandue sur les 3 continents (Afrique, Asie, Amériques tropicales).
La lutte contre le paludisme repose sur la prévention individuelle (mesures de protection contre les piqûres d’Anopheles, prise d’une chimioprophylaxie) et sur la prévention collective (lutte anti vectorielle, traitements de masse, vaccination des enfants en zone d’endémie, déclaration et surveillance des cas)
La planification d’un voyage en zone d’endémie doit prévoir une consultation médicale au cours de laquelle le risque d’infection palustre sera évalué et une chimioprophylaxie éventuellement prescrite. Dans tous les cas, il conviendra au cours du séjour, d’appliquer les mesures de protection personnelle contre les moustiques et de rester vigilant quant à l’apparition de symptômes évocateurs de l’infection pendant ou après le séjour, symptômes qui doivent amener à une consultation médicale et à une recherche de paludisme au laboratoire en urgence.
Sources
Organisation Mondiale de la Santé (OMS, WHO)
Center for Disease and Controle and Prevention (CDC)