L’oncogénétique : un nouvel espoir dans la lutte contre le cancer du sein

— 18 octobre 2024

1. Qu’est-ce que l’oncogénétique ?

L’oncogénétique est une discipline qui étudie les facteurs génétiques contribuant au développement de cancers. Les chercheurs en oncogénétique cherchent à identifier les gènes liés au cancer et à comprendre comment des altérations génétiques spécifiques peuvent augmenter le risque de développer certaines formes de cancer.

1.1 Le rôle des gènes dans le cancer

Chaque cellule de notre corps contient des gènes, qui sont comme des instructions pour le fonctionnement de la cellule. Une cellule dont le programme se dérègle et la transforme, se multiplie et produit des cellules anormales qui prolifèrent de façon anarchique et excessive. Ces cellules déréglées finissent par former une masse appelée tumeur maligne, autrement dit cancéreuse.

Il existe 2 catégories de gènes impliqués dans les cancers :

Oncogènes :

lorsqu’ils sont mutés entraine une activation dérégulée de certains propriétés cellulaires (pouvoir de prolifération, d’invasion cellulaire, angiogénèse)

Gênes suppresseurs de tumeurs :

lorsqu’ils sont mutés entraine une perte de fonction de la protéine et de mécanismes de régulation cellulaire (mort cellulaire = apoptose, mécanisme de réparation de l’ADN etc…

Les cancers sont causés par des changements qui surviennent dans les gènes de certaines cellules. La survenue de ces altérations est liée à des agressions répétées de l’ADN du fait de l’exposition à des facteurs de risque externes (comme le tabac, les rayonnements UV, l’alcool) ou due au hasard, ou encore au vieillissement.

On estime qu’il faut qu’une cellule acquiert en moyenne 5 à 7 mutations sur des gènes clés (oncogenes / suppresseurs de tumeur) pour devenir cancéreuse.

Dans 5% des cas, une mutation driver est héritée, (présente sur l’ensemble des cellules de l’organisme) expliquant l’age de survenu du cancer plus jeune car le quota de mutation drivers necessaire à l’apparition du cancer est atteint plus rapidement. (= notion de prédisposition au cancer). On dit alors que ces altérations génétiques sont acquises ou somatiques. On les retrouve uniquement dans la tumeur (et pas dans les autres cellules de l’organisme).

Le développement d’un cancer n’est pas limité à l’accumulation d’altérations dans la cellule. La recherche a révélé que la transformation cellulaire entraîne des modifications des éléments qui entourent la cellule, son micro-environnement. Ces perturbations du micro-environnement cellulaire favorisent à leur tour la transformation de cellules normales en cellules cancéreuses.

Dans certains cas, une altération génétique (aussi appelée variation génétique ou anomalie génétique), qui est héritée d’un parent et présente dès la naissance dans toutes les cellules de l’organisme, peut jouer un rôle dans la survenue d’un cancer. On parle alors de prédisposition génétique car elle est liée à la présence de ce qu’on appelle « une altération génétique constitutionnelle ».

Lorsqu’une personne est porteuse d’une altération génétique constitutionnelle, son risque de développer un cancer (lié à la présence de cette anomalie) est plus élevé que celui de la population générale. Ces cancers sont également souvent de survenue plus précoce. Ces cancers sont parfois appelés des cancers héréditaires.

[Source : Institut National du cancer]

1.2 Les altérations génétiques et le cancer du sein

Dans certains cas, des altérations génétiques spécifiques peuvent augmenter le risque de développer un cancer du sein. Par exemple, les altérations de ces gènes sont connues pour augmenter le risque de cancer du sein et de l’ovaire.

BRCA1

BRCA2

PALB2

RAD51

2. L’identification des gènes de prédisposition au cancer du sein

Depuis le début de l’ère de l’oncogénétique, les scientifiques ont identifié plus de 90 gènes qui peuvent augmenter le risque de cancer du sein. Parmi eux, les gènes BRCA1 et BRCA2 sont les plus connus. Ces gènes, lorsqu’ils sont normaux, aident à prévenir le cancer en réparant les dommages à l’ADN. Cependant, lorsque ces gènes sont mutés, ils ne peuvent plus remplir cette fonction protectrice, augmentant ainsi le risque de cancer du sein.

En 2014, un autre gène majeur, PALB2, a été découvert. Tout comme BRCA1 et BRCA2, une altération de PALB2 augmente également le risque de cancer du sein. D’autres gènes, bien que moins fréquents, sont également impliqués dans la prédisposition au cancer du sein.

3. La consultation d’oncogénétique

Une consultation d’oncogénétique peut être recommandée pour toute personne ayant un cancer et un nombre significatif de cas de cancer dans sa famille. Cette consultation est également recommandée pour les personnes ayant développé un cancer à un jeune âge ou ayant été atteintes de plusieurs cancers simultanément ou successivement.

3.1 Qui doit consulter un oncogénéticien ?

En général, une consultation d’oncogénétique est conseillée si vous avez un cancer et de nombreux cas de cancers dans votre famille, si vous avez développé un cancer à un âge précoce, ou si vous avez été atteint de plusieurs cancers simultanément ou successivement. Une consultation peut également être proposée à une personne qui a été informée d’une mutation génétique dans sa famille et qui souhaite en discuter avec l’équipe d’oncogénétique.

3.2 Comment se passe une consultation d’oncogénétique ?

Lors d’une consultation d’oncogénétique, un oncogénéticien ou un conseiller en génétique recueille des informations sur votre histoire personnelle et familiale de cancers. Ces informations sont utilisées pour évaluer votre risque de prédisposition génétique au cancer et pour déterminer si un test génétique est justifié.

4. Le dépistage : les tests génétiques pour le cancer du sein

Les tests génétiques jouent un rôle crucial dans l’oncogénétique. Ils permettent d’identifier les mutations génétiques spécifiques qui peuvent augmenter le risque de développer un cancer du sein.

4.1 Comment sont effectués les tests génétiques (prise de sang) ?

Un test génétique peut être réalisé à partir d’une prise de sang ou d’un prélèvement buccal. L’échantillon est ensuite envoyé à un laboratoire spécialisé, qui réalise une extraction de l’ADN puis son séquençage.

4.2 Quels sont les résultats possibles ?

Trois types de résultats sont possibles après un test génétique :

Une mutation génétique augmentant le risque de cancer est identifiée. Un suivi spécifique est alors nécessaire

Une mutation génétique est détectée, mais son lien avec le cancer n’est pas établi. Des examens complémentaires peuvent être nécessaires.

Aucune mutation génétique n’est identifiée. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a pas de prédisposition génétique.

5. Le suivi des personnes à risque

Une fois une mutation génétique identifiée, un programme de suivi personnalisé est mis en place. Ce suivi comprend des examens médicaux réguliers pour détecter les signes précoces de cancer. Dans certains cas, des mesures préventives, comme l’ablation préventive des seins ou des ovaires, peuvent être discutées.

6. La chirurgie préventive

La chirurgie préventive, aussi appelée prophylactique, est une option pour les femmes qui ont un risque très élevé de cancer du sein en raison d’une mutation génétique. Cette chirurgie implique l’ablation des deux seins (mastectomie bilatérale prophylactique) et/ou des ovaires et des trompes de Fallope (salpingo-oophorectomie bilatérale prophylactique).

6.1 La mastectomie prophylactique

La mastectomie prophylactique est une chirurgie préventive qui peut réduire le risque de cancer du sein de plus de 90 %. Cette décision est personnelle et doit être prise après une discussion approfondie avec l’équipe médicale.

6.2 La salpingo-oophorectomie prophylactique

L’ablation des ovaires et des trompes de Fallope peut réduire le risque de cancer de l’ovaire. Cette chirurgie est généralement recommandée après l’âge de 40 ans ou une fois que la femme n’a plus de projet conceptionnel. Elle est également proposée pour certaines mutations de gènes à haut risque, telles que BRCA1, BRCA2, et RAD51C et D.

7. La transmission de la prédisposition génétique

Les mutations génétiques de prédisposition au cancer du sein sont héréditaires et peuvent être transmises à la descendance. Cela signifie que si vous êtes porteur d’une de ces mutations, vous avez 50 % de chances de la transmettre à chaque enfant.

Pour BRCA1 et BRCA2, la transmission est autosomique dominante, où un seul allèle muté suffit à conférer un risque accru de développer un cancer.

À la différence de la transmission autosomique récessive, où les deux allèles du gène doivent être altérés pour induire un risque (ex : MUTYH dans le cancer du côlon).

Obligation pour les cas index : informer les proches en cas de résultat positif

Si le test révèle que vous êtes porteur d’une altération génétique constitutionnelle de prédisposition à certains cancers, d’autres membres de votre famille sont susceptibles d’en être porteurs : vos parents, frères, sœurs, enfants, cousins, cousines, oncles et tantes…

Si c’est le cas, ils peuvent bénéficier de mesures de prévention et de suivi adaptées. C’est pourquoi la loi impose d’informer les autres membres de la famille.

[Source : Institut du cancer]

8. L’impact de l’oncogénétique sur le traitement du cancer du sein

L’oncogénétique a un impact significatif sur le traitement du cancer du sein. Par exemple, les inhibiteurs de PARP, qui ciblent spécifiquement les cellules tumorales avec des mutations BRCA, ont démontré une efficacité notable dans le traitement du cancer de l’ovaire et sont actuellement testés pour le cancer du sein.

Les anti PARP sont indiqués dans le cancer de l’ovaire lorsque la tumeur présente une mutation BRCA au niveau somatique ou constitutionnel, ou en cas de statut HRD positif (défaut de la recombinaison homologue, un mécanisme de réparation des cassures double brins de l’ADN, où les protéines BRCA1 et BRCA2 jouent un rôle clé).

Dans le cancer du sein métastatique ou à haut risque (par exemple, triple négatif HER2- RH-), les inhibiteurs de PARP sont indiqués uniquement en cas de mutation BRCA au niveau constitutionnel, ce qui nécessite une consultation d’oncogénétique préalable.

L’utilisation des données génétiques issues de la tumeur permet une médecine personnalisée à chaque patient afin de lui proposer le traitement le plus efficient selon le profil génétique de la tumeur et des comorbidité existantes.

9. L’avenir de l’oncogénétique dans le cancer du sein

L’oncogénétique est une discipline en pleine évolution. De nouvelles avancées dans la recherche pourraient conduire à l’identification de nouveaux gènes de prédisposition et à de nouvelles options de traitement pour les personnes à risque de cancer du sein.

Grâce à une meilleur compréhension des mécanismes cellualires aboutissant aux différents types de cancers.

Les réponses à vos questions

Prenez rendez-vous pour une consultation avec un professionnel de santé ou un médecin spécialisé en oncogénétique qui évaluera votre risque et prescrira le test si nécessaire. Le test se fait généralement par une simple prise de sang dans un laboratoire spécialisé. 

Un cancer du sein peut être héréditaire, notamment s’il y a plusieurs cas évocateurs de transmission dans la famille (grand-mère, mère, tante, sœur, etc.), surtout lorsque ces cas surviennent à un jeune âge ou sont associés à d’autres cancers. Toutefois, il est important de noter qu’un cancer peut également survenir sans antécédents familiaux (cas de novo), en particulier chez les femmes de moins de 40 ans pour le cancer du sein ou de moins de 70 ans pour le cancer de l’ovaire. Un oncogénéticien peut évaluer ce risque en analysant l’historique familial et proposer un test génétique (cas index) si nécessaire.

Aucune hormone ne « provoque » directement le cancer du sein. Cependant, des niveaux élevés d’œstrogènes peuvent augmenter le risque de développer certains types de cancers du sein.

Les tests génétiques pour le cancer se font dans des laboratoires spécialisés, généralement sur prescription d’un oncogénéticien (médecins généticiens spécialisés dans le domaine des prédispositions génétiques au cancer). En France, il existe un réseau national de consultations d’oncogénétique réparti sur tout le territoire. 

Les résultats d’un test génétique peuvent prendre de plusieurs semaines à plusieurs mois, selon la complexité de l’analyse et le laboratoire. 

Un cas index est le premier membre d’une famille à être testé pour une mutation génétique spécifique liée au cancer. Le cas index sert de point de référence pour les tests génétiques ultérieurs des autres membres de la famille. 

Une consultation d’oncogénétique est recommandée et indiquée dans plusieurs situations : en cas d’antécédents familiaux importants de cancers (plusieurs cas dans une même branche parentale), de cancers diagnostiqués à un jeune âge (par exemple, un cancer du sein avant 40 ans ou un cancer colorectal avant 60 ans), ou de cancers multiples chez un même individu. Elle peut également être recommandée si une mutation génétique a été identifiée chez un membre de la famille ou si l’analyse d’une tumeur suggère une prédisposition héréditaire.

Cette consultation permet d’évaluer le risque génétique, de proposer des tests appropriés, et d’établir un plan de surveillance personnalisé pour le patient et sa famille. Elle implique généralement un entretien détaillé sur l’histoire familiale, la réalisation d’un arbre généalogique, et peut aboutir à la prescription d’un test génétique après obtention du consentement éclairé du patient.

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